Bonjour... Qui es-tu ? Peu importe, cela n'a pas d'importance... Ou du moins, cela n'a plus d'importance... Laisse-moi donc te narrer l'histoire d'une jeune fille... Une parmi tant d'autres... Une faisant partie de ses nombreux héros appelés pour enrayer un mal jusqu'alors inconnu.

Avril 2019, le chaos règne sur la ville de Tokyo... Tout n'est plus que brasier, cendres et mort. L'air est étouffant, la fumée d'une noirceur insondable recouvre le ciel dans son intégralité. Parmi les cris de panique de la population, une ombre gigantesque ravage encore et encore la moindre parcelle de vie existante. Piégée par les flammes, une jeune adolescente regarde avec effroi ce spectacle cruel, elle cherche à retourner au plus près de chez elle afin d'y retrouver ses parents et d'essayer de quitter cet enfer. Dans sa tête, résonne le bruit des balles qui fusent sur l'ennemi, les obus qui explosent, les cris d'agonie, de peur, de souffrance, les sanglots. Aucune personne ne devrait à vivre cet instant précis... Là, où aucun espoir est envisageable, juste attendre sa dernière heure à son tour.


Et parmi les ténèbres, une faible lueur d'espoir apparaît. Tout en marchant malgré le danger, la jeune fille croise enfin sa famille qui s'échappe du mieux possible. Ensemble, ils vont rejoindre la place-forte installée par l'armée japonaise, dernier bastion miséreux avant la chute inéluctable de l'espèce humaine. En chemin, parmi les cris et les ordres militaires, une rumeur folle se fait entendre : la bombe nucléaire pourrait être lancée... Quitte à se sacrifier, autant emmener l'ennemi dans la tombe aussi, les survivants pourront se relever et rebâtir un monde meilleur.

Il fallait faire vite, et dans la précipitation, personne n'avait vu qu'une douce lumière blanche avait englobé tout le corps de la jeune enfant. Inquiète et stupéfaite, elle poussa un petit cri de surprise avant de voir ses parents se retournaient et admirer la chose. Mais, au loin, un grondement malfaisant, empli de haine retentit, et quand cette ombre localisa la source de cette lumière, elle devint plus féroce encore, laissant de côté son massacre pour foncer en direction de son opposé. Dans un sens, les parents comprirent que leur fille était en danger, et dans un dernier geste, poussa cette dernière dans un trou béant formé par les fissures de la terre. Des larmes brillèrent dans les yeux de ses sauveurs et tandis que l'enfant plongea son bras et sa main pour saisir celle de son père, elle entendit.

Avant de perdre connaissance, la dernière chose qu'elle pût voir, eut été les ténèbres entourant sa famille. Plongeant dans une inconscience profonde, elle ne pouvait pas s'imaginer qu'elle traversait à la vitesse de la lumière les galaxies, les unes après les autres afin d'en gagner une nouvelle, plus sûre... Pour un temps... En tout cas. Quand elle ouvrit les yeux, elle était allongée sur l'herbe verte, une plaine immense à perte de vue où la vie avait pris ses droits. Déconcertée, chamboulée, fébrile, elle repensa à ce qui venait de se passer, tout en refusant de manière rationnelle qu'elle fût transportée ailleurs, loin de la ville et loin de sa famille. Des larmes apparurent à leurs pensées, mais malgré cela, l'espoir qu'ils soient encore en vie était présente et c'est pour cela qu'elle se leva pour marcher dans une direction, n'importe laquelle. En fonction de sa position, elle retrouverait rapidement sa localisation, et ainsi, demander de l'aide aux habitants pour retourner à Tokyo.

Rachel Shimizu... Ton périple n'en était qu'à ses débuts, et bien des choses allaient arriver, mais c'est en avançant que la suite de ton odyssée allait prendre forme. Puisses-tu trouver les réponses aux nombreuses questions que tu te poses à l'instant.

Le long de sa traversée, elle espérait reconnaître les lieux afin de mieux se situer, malheureusement, rien n'indiquait cela, au contraire, une plaine à perte de vue était présente devant ses yeux lilas.

Malgré que la question restait banale, elle prenait tout son sens sur la situation actuelle. Alors que l'angoisse montait petit à petit, elle eût une idée, celle d'utiliser son téléphone portable. Comment n'y avait-elle pas pensé plus tôt ! Soulagée à l'idée de trouver des réponses à certaines questions, elle déverrouilla son code d'accès et regarda de plus près si elle pouvait naviguer sur internet. Mais au bout de quelques secondes, où bien sûr, aucun réseau n'existait pour cette planète, elle s'aperçut que le réseau global, autant téléphonique que le web était inexistant.

Rangeant son portable dans la poche de sa veste, elle continua son chemin. C'est au bout de plusieurs heures de marche, de fatigue et de faim, qu'une cité montante apparaissait devant elle, devenant plus visible à chaque pas qu'elle faisait en sa direction. Cette cité, adjacente des prairies sacrées, ressemblait à s'y méprendre au mont St Michel en France. Une ceinture de pierres sculptées entourait la cité, et les innombrables maisons aux toits rougeoyants, une sorte de palais à son sommet et un autre bâtiment, proche d'un lieu de culte. Enfin, Rachel avait sa réponse, elle était certaine que c'était l'une des merveilles du monde que la France possédait.

En arrivant devant les portes, tel un festival médiéval en cours, des gardes étaient positionnés à l'entrée, les civils étaient habillés comme à l'époque, certains vêtus plus luxueusement, les marchands hurlaient, à qui voulait bien entendre, le succès et la renommé de leurs articles. Comment pouvait-on croire à une fin du monde en voyant une telle effervescence ? Peu importait, il y avait des gens, potentiellement un moyen de rentrer chez soi ! Rachel courut alors vers la garde et parla si vite qu'elle ne prit pas la peine de respirer une seule fois.

Alerte ! Dégradation de la santé mentale ! Baisse à 65 % ! Résolution du problème... Protection du système !

Jamais au grand jamais, Rachel n'avait ouvert aussi grand les yeux. Écoutant la réponse du garde, elle senti au fond d'elle une fissure se créer, sans savoir de quoi il en répondait. Elle refusait de croire qu'elle était ailleurs, loin de cette bonne vieille Terre, loin de sa famille. Comme une auto-protection, son cerveau répétait sans cesse dans ses pensées.

Elle baissa la tête, un air sombre sur le visage, et s'engouffra dans le brouhaha de la rue en entendant, derrière elle, les plaisanteries moqueuses des deux gardes, se plaignant "dommage qu'une telle donzelle soit folle à lier !". Surtout, il ne fallait pas pleurer... Il ne fallait pas...

Un désespoir sans précédent envahit Rachel, l'emmenant à marcher au travers des ruelles de la cité, sans savoir où aller, le regard vide alors qu'elle combattait une folie naissante dans son esprit. C'était impossible... Elle avait bien entendue ? Un autre monde ? Une autre planète peut-être ? C'était tout simplement impensable et pourtant... Pourtant, ici, le mal qui avait rongé son monde n'avait pas frappé en ces lieux. Pourquoi ? Comment ? Et sa famille ? Elle ne pourrait donc pas les revoir du tout ? Était-il mort alors ? Rien qu'à y penser, la folie gagna en intensité.

Alerte ! Dégradation de la santé mentale ! Seuil atteint ! Baisse à 45 % ! Résolution du problème... Critique ! Moyen d'urgence préconisé ! En attente d'une évolution !

Elle s'effondra contre un mur avant de se laisser tomber au sol, assise, alors que les larmes commençaient déjà à couler. Elle masqua son visage de honte, alors que les gens la regardèrent sur plusieurs aspects. D'abord par sa tenue loufoque qui contrastait avec l'époque où se situer Heiko, puis ensuite par la situation actuelle, une jeune fille en pleurs dans les rues, ce n'est pas normal. Cependant, personne n'osa intervenir pour elle, ni réconfort, ni un geste, une parole à son égard, juste de l'ignorance. En plus de tout ça, le soir arrivait peu à peu, déclinant sur de jolies couleurs chaudes et normalement réconfortantes.

Son estomac commençait, lui aussi, à "causer" dû au fait d'un long trajet parcouru, des émotions vécues ainsi qu'il était l'heure du repas du soir, que ce soit dans son monde ou dans celui-ci. Cependant, l'humeur n'était pas au rendez-vous, et puis, si elle était vraiment dans un autre monde, elle n'aurait pas d'argent pour payer, alors... À quoi bon s'acharner ? Déjà arrivée et déjà "morte" ! Encore une fois, le vide gagna son regard et ses pensées, juste la brise du vent venant fouetter son visage avec délicatesse.

Pendant ce temps, la rue commença à se vider, le silence redevenant majoritaire à l'euphorie de la journée. Sans bouger, Rachel était restée figer comme une roche, dos au mur, les jambes droites, l'air inexpressif. La nuit s'installa rapidement, les lanternes s'allumèrent les unes après les autres afin d'éclairer la cité toute entière. On entendait dans les maisons et dans les tavernes aux alentours, les exclamations de joie et les ricanements gras des soûlards. Alors que la fatigue gagnait de plus en plus la jeune fille, soudain, une porte s'ouvrit, d'un des bâtiments, et un homme d'un âge avancé, sans pour autant être senior, en sortit. Il balança des restes de repas au sol avant d'apercevoir la silhouette de l'adolescente. Les yeux interrogateurs, il la fixa un moment avant de s'avancer vers elle et de s'accroupir à hauteur.

Pour la première fois, elle tourna la tête pour croiser le regard de l'aubergiste. Même si d'apparence, il était bourru, il dégageait une prestance rassurante, ce pourquoi Rachel accepta d'un hochement de tête léger, l'invitation de cet homme. Sans trop savoir pourquoi elle le faisait, ni même sans se poser la question de, si derrière cette proposition ne se cacher pas des pensées plus mauvaises, elle suivit cet inconnu dans l'arrière-cuisine. Elle s'assit sur un banc, en suivant le geste de l'aubergiste de s'asseoir, puis entendit ce dernier appeler sa femme. Malgré l'agitation de la pièce à côté, là où les clients profitaient d'un bon moment, l'épouse, et cuisinière, arriva en trombe et découvrit la situation. Son mari la prit à part et discuta à voix basse. Après les explications, elle lança un dernier regard à Rachel avec une légère tristesse, avant de lui servir un grand bol de soupe et du pain. Elle lui caressa tendrement la joue avec un sourire et reparti ensuite à ses occupations.

Rachel mangea à sa faim, et fut surprise de la qualité d'un simple potage. Il y avait de tout, des légumes, des morceaux de viande, sans doute aussi des céréales pour faire office de féculents. Après un si bon repas, et une tension nerveuse qui redescendait petit à petit, ses yeux commencèrent à se fermer, mais elle luttait contre son gré. Passant de temps en temps, l'aubergiste aperçut la fatigue de l'enfant et vint la voir.

Sans pouvoir répondre, elle s'effondra de sommeil et il eut fallu d'un bon réflexe afin que le patron récupère la jeune fille avant qu'elle se cogne la tête sur la table. Il l'emmena à l'étage, dans ses quartiers privés, et l'allongea en la couvrant d'une couverture chaude. Sans doute que demain sera plus propice à la discussion.

Les rayons du soleil avaient déjà illuminé le ciel et Rachel était toujours entrain de dormir. Un sommeil plus lourd encore que le plomb, ou peut-être une récupération forcée de son organisme avec tout ce qu'elle avait vécu en peu de temps. En tout cas, l'aubergiste alla lui secouer gentiment l'épaule.

Contrôle du système nerveux... Stable ! Santé mentale stable à 90 % !

Le fait de vouloir parler ne signifiait rien de bon aux oreilles de l'adolescente, cependant, une certaine curiosité la poussa à en savoir plus. La nuit étant toujours réparatrice, une sérénité envahit l'esprit de Rachel, malgré quelques doutes qui subsistaient. Déjà habillée, elle plia la couverture sur la banquette en bois, avant de descendre l'escalier menant à l'arrière-cuisine. Là, le couple l'attendait avec un sourire chaleureux et une assiette pour le petit-déjeuner. Elle n'osait pas commencer à manger de peur que la discussion commence, ce serait impoli vis-à-vis de ses "bienfaiteurs". Cependant, la patronne rigola un petit coup et fit signe de manger, ce que s'empressa de faire notre personnage. Une bonne tranche de pain, du lard grillé, des œufs et quelques fruits étaient présents pour le repas du matin. Après tout ça, le couple s'assit en face d'elle et se regarda une dernière fois avant de prendre la parole.

Elle s'attendait à des rires moqueurs, comme ceux des gardes, ou encore à de l'incrédulité de la part de ses interlocuteurs, cependant, pendant un bref instant, le silence retomba lourdement avant que la tenancière lui prenne ses mains et la rassure de sa douce voix.

Sous les yeux quelque peu perdus, perplexes et interrogateurs des aubergistes, Rachel sorti son téléphone et le posa sur la table. Ne sachant rien de cet appareil tout droit sorti des enfers, le couple laissa la jeune fille leur expliquait comment cela fonctionnait. Communication, photographie, cinématographie et toute la technologie présente dans ce simple appareil en troubla plus d'un. Après cette découverte révolutionnaire, l'ambiance s’assagit et la discussion pouvait revenir à des sujets un peu plus sérieux. Une question, pourtant, brûlait les lèvres de l'adolescente.

Gênée, d'avoir posé une question douloureuse, un silence d'ange planait dans la pièce. Elle voulait rattraper sa bévue, mais elle ne savait pas comment. C'est tout naturellement que l'aubergiste demanda.

Ainsi, les choses allaient changer dans le bon sens. Jusqu'où ce petit geste pourra transporter Rachel dans ses périples ?

Durant les jours qui suivirent, Rachel travailla d'arrache-pied à l'auberge. Femme de chambre, cuisinière, serveuse, elle se donna à fond pour aider l'établissement. En même temps, elle apprenait, par Vivianne, quelques balades connus d'Heiko. Pour mieux se fondre dans la masse, elle fut habillée comme tout le monde, et on pouvait dire que sa beauté n'en était que démultipliée. Une jeune femme, assez grande, mince, vêtue d'une robe simple et coiffé soigneusement, ça faisait tourner des têtes auprès de la gente masculine. Et pour mieux coller avec son nouveau style, elle avait décidé d'abandonner ses cheveux longs dégagés pour un chignon. Ses yeux lilas ressortaient d'avantage et en envoûtaient plus d'un.

Au bout d'une semaine, le grand jour était arrivé, celui de chanter pour la première fois devant la clientèle. Même si le "professionnalisme" de Rachel lui avait appris une mélodie de son monde, le chant, elle avait quand même le trac. Chanter devant un public inconnu, en direct et surtout sur une autre planète, voilà qui était loin d'être dans la normalité habituelle. Mais pour gagner en assurance, elle avait choisi, pour commencer, une balade de son monde, tiré d'un jeu vidéo connu à l'époque. Une petite place avait été faite dans la salle de restauration, afin que tous, puissent assister au spectacle. La nuit tombée, la salle était en effervescence et la pression augmentait de plus en plus sur les épaules de la future vedette. Pendant que Vivianne et son mari s'occupaient du service, l'adolescente apparue alors, vêtue spécialement d'une robe de soirée et d'un luth. Ancêtre de la guitare, il avait fallu peu de temps afin que la demoiselle apprivoise l'instrument de musique. Bien sûr, pour ne pas effrayer quiconque, elle avait déjà prévu de ne pas parler de son monde d'origine. Des applaudissements retentirent, ainsi que des sifflements soutenus pour marquer la beauté de l'artiste, et Rachel s'assit sur le tabouret avant qu'un silence d'ange fasse place dans les lieux.

Devant la beauté de cette voix, tout le monde fut transporté, même le couple d'aubergiste qui resta bouche bée et s'arrêta de travailler le temps de la chanson. Un ange descendu des cieux dont la voix résonnait au plus profond de l'âme. Même si elle n'était pas une prodige, elle avait ce petit "je ne sais quoi" qui la démarquait des autres. C'est à la fin de l'interprétation que l'acclamation fut totale, elle avait réussi à charmer l'assistance et à gagner le cœur de son auditoire. La soirée continua jusqu'à tard, avec les chants d'Heiko, bonifiés par une Rachel douce, guerrière quand il le fallait.

Lorsque l'auberge ferma ses portes, Rudolph et Vivianne s'empressèrent de complimenter la jeune fille pour son talent. Gênée, mais heureuse, elle profita d'un instant de calme pour aider à laver la vaisselle restante. Une fois, cela fait, elle s'empressa d'aller dormir pour récupérer de cette bonne journée, cependant, en entendant le couple s'allonger sur leur lit, elle se releva doucement et en profita pour quitter les lieux sans faire un bruit. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que Vivianne l'aperçu à travers la fenêtre de sa chambre, courir dans la rue en direction des portes de la cité. Une certaine inquiétude pouvait se lire sur son visage, mais elle n'était pas la mère de Rachel, donc elle ne pouvait rien lui dire ou reprocher quoique ce soit, malgré le fort sentiment maternel qu'elle avait développé pour elle. En ce qui concerne la jeune fille, elle sortit de la cité et alla plus loin dans les prairies sacrées. Là, sans être à la vue de tous, elle avait façonné durant la semaine, grossièrement, un gros bout de bois pour en faire un katana qu'elle avait ensuite caché. N'ayant pas de couteau digne de ce nom, la découpe était sommaire, les finitions neutres, seul le manche de l'arme avait été bien travaillé en détail afin de ne pas se blesser durant la manipulation.

Pendant plusieurs heures, Rachel s'entraîna en repensant à ses entraînements de kenjutsu et de kendo, tentant de s'améliorer et de se familiariser d'avantage avec ces arts. Depuis plusieurs années, elle s'était entraînée et perfectionnée, mais ici, quelque chose lui disait d'aller de l'avant, de continuer à progresser. Était-ce le fait qu'elle se sentait impuissante face à la situation actuelle, ou le fait qu'elle voulait devenir plus forte afin de défendre sa famille. Peu importe la raison, quelque chose animait bien notre héroïne à agir de la sorte, mais quel en était l'essence ? Là, était toute la question. En tout cas, elle revint à l'auberge pour dormir, mais, depuis ce jour, et ce, durant chaque nuit, elle partait pour s'entraîner.

Seule Vivianne, l'aubergiste, savait que Rachel sortait en douce, mais ne sachant pas pourquoi elle le faisait, ni même évoquer le sujet avec elle quand elle le pouvait, elle décida de la suivre une nuit. Cet instinct maternel était si fort qu'elle ne pouvait pas la laisser agir librement. Une fois qu'elle put observer Rachel s'entraîner, elle la regarda de loin, contempla la grâce de sa manière de combattre et ne put s'empêcher d'avoir le cœur serré en sachant qu'un jour, elle devra partir à l'aventure. Au final, qui était le plus attaché au souvenir de son enfant disparu ? Rudolph ou sa femme ? Quoiqu'il en soit, elle se décida à aller à l'encontre de Rachel et quand cette dernière remarqua la présence de Vivianne, elle eut un moment de stupéfaction.

À la vue de Vivianne, Rachel resta tétanisée. Elle se sentait gênée et honteuse d'avoir caché ce qu'elle entreprenait, afin de se préparer à l'aventure prochaine qui l'attendait. Elle baissa son arme de fortune et détourna la tête avant que le bruit de pas se fassent entendre. Doucement, des bras l'entourèrent avec amour et la voix réconfortante de l'aubergiste se fit entendre.

Rachel sentait l'émotion qu'il y avait derrière ses paroles ainsi que les tremblements dans le timbre de voix, et sans réfléchir, elle accompagna le même geste afin d’étreindre cette dernière. La brise nocturne caressait l'herbe de la prairie et seul le silence faisait place pendant un moment. Quand les deux femmes s'écartèrent, elles s'assirent sur une petite butte pour admirer le paysage. La lune éclairait suffisamment les lieux pour voir l'étendu et l'immensité de la prairie. Après avoir laissé un moment de nostalgie, le silence fut brisé.

Pendant que les deux femmes écoutaient le vent s'abattre, chacune réfléchissait intérieurement. Vivianne n'osait pas poser une question pouvant être mal placée et Rachel laissait son esprit divaguer au son du vent. Que faire... Voilà, la vraie question. Pouvait-elle vraiment revenir chez elle ? Avait-elle été appelé pour une toute autre destinée ? Et surtout, elle avait oublié un élément primordial dans son raisonnement, cette ombre ayant anéanti la Terre, qui était-elle ? Que voulait-elle ? Alors que tout ça se confondait en elle, la réalité la rattrapa quand sa partenaire de soirée lui demanda fébrilement.

Les larmes coulèrent à nouveau, elle ne voulait plus se remémorer la dernière image qu'elle avait eu, son père la poussant dans le vide avec un sourire aimant, avant que l'inconscience la prenne totalement. Vivianne n'intervint pas et la laissa sangloter, elle souffrait, aussi, en silence en voyant sa protégée pleurer à chaudes larmes. C'est alors qu'une question difficile arriva de la bouche de l'aubergiste.

Vivianne ne put retenir ses larmes également, et durant les minutes suivantes, elles dégagèrent cette tension. Rachel avait répondu avec rage, et même si elle était encore sous le coup de l'émotion, ce n'était pas des paroles en l'air. C'étaient ses convictions les plus profondes, si elle ne trouvait pas de solution pour revenir chez elle, elle protégerait ce monde de la destruction.

Une fois calmées, les deux femmes se séparèrent avant de rentrer ensemble au logis. Avec tout ça, Rachel n'avait plus la tête à l'entraînement. Bien sûr, cela resterait leur secret et la jeune fille continua ses pratiques chaque nuit. Elle était déterminée à être la plus forte pour le jour j, celui où elle partirait en quête de réponses. En attendant, elle s'investissait du mieux possible à l'auberge afin de n'avoir aucun regret.